Enquêtes judiciaires et archéologie

Désormais, les sciences médicales sont mises à contribution chaque fois que l’on évoque les circonstances de la mort d’un personnage historique, restées souvent mystérieuses.

Les meurtres et les vols ont toujours existé (en janvier 2016, des chercheurs ont d’ailleurs découvert 27 victimes du plus ancien massacre connu – il remonte à 10 000 ans – au nord du Kenya, non loin du lac de Turkana). Dans l’Antiquité, les enquêtes criminelles existaient déjà : on connaît celles menées en Egypte autour des pilleurs de tombes ou des prêtres corrompus d’Eléphantine sous les Ramsès ou, à Rome, le procès des « matrones empoisonneuses » en 331, et bien d’autres.

Avec leurs méthodes rudimentaires, les enquêteurs des siècles passés ne pouvaient guère compter que sur des indices relativement évidents, des preuves matérielles, des témoignages, les délateurs (une institution à Rome), ou les aveux plus ou moins spontanés des coupables.

Nos techniques actuelles, déjà appliquées pour l’étude des victimes retrouvées en Bosnie dans les années 1990, ont été médiatisées par les documentaires sur le mystère de la tête présumée du roi Henri IV, ou Ötzi, la momie des glaces trouvée en Autriche en 1991.

Deux nouveaux exemples ont été publiés tout récemment. Ils concernent l’assassinat du pharaon Ramsès III et, à proximité d’Athènes, la découverte de 80 squelettes.

On sait moins que la police fait aussi appel à des archéologues pour explorer de manière méthodique les scènes de crimes. En effet, parmi les 200 à 400 corps retrouvés chaque année en France, la plupart sous forme de squelettes, 10 à 20 remontent à moins de trente ans et résultent d’un crime.

Archéologie forensiqueL’archéologue, habitué à interpréter les restes humains dans leur contexte, avec tout ce qui les entoure, peut apporter un éclairage précieux. Par exemple, c’est ainsi qu’en Bretagne, on a pu mettre la main sur un assassin en analysant les traces de peintures provenant de l’outil utilisé pour creuser la fosse où il avait enfoui sa victime.

L’archéologie médico-légale, dite parfois « forensique » (du latin forum), fait partie depuis une vingtaine d’années des moyens d’archéologie criminalistique du département anthropologie-thanatologie-odontologie (ATO) de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN), et est enseignée en particulier à l’université de Lorraine.

Le coup d’état manqué de Cylon

Vers 632 av. J.-C, un aristocrate et ancien champion olympique nommé Cylon tente de s’emparer du pouvoir à Athènes et d’imposer une tyrannie – ce qui montre que tous les Athéniens n’étaient pas partisans de la marche vers la démocratie. Devant l’opposition des citoyens, il se réfugie avec ses partisans sur l’Acropole et se place ainsi sous la protection d’Athéna.

Temple d'Apollon à Delphes

Le célèbre temple d’Apollon, à Delphes, avait été détruit par un incendie en 548 av. J.-C. Parmi les donateurs qui ont permis sa reconstruction figuraient les Alcméonides, alors en exil. Ils rentrèrent à Athènes peu après.

De ce fait, l’archonte Mégaclès, du puissant clan des Alcméonides, leur doit la vie sauve si les coupables se rendent. Contre toute attente, il les fait cependant massacrer. Cet assassinat politique, doublé d’un sacrilège, fit condamner les Alcméonides à l’exil. Ils rentrèrent à Athènes en 510 av.J.-C., mais leurs descendants – parmi lesquels Clisthène, l’un des fondateurs de la démocratie, Alcibiade et Périclès lui-même – se virent toujours reprocher la tache de la « malédiction des Alcméonides ».

Et voici que le 14 avril 2016, le ministère grec de la Culture annonce la découverte à Phalère, près d’Athènes, sur le chantier du nouvel opéra et de la bibliothèque nationale, de deux fosses communes contenant quatre-vingts squelettes. S’agit-il des partisans exécutés de Cylon ? Cela pourrait être le cas, puisqu’il s’agissait d’hommes jeunes et bien nourris, dont 36 avaient les mains attachées par des liens en fer. Deux poteries découvertes entre les corps ont permis de dater les fosses approximativement entre 675 et 650 av. J.-C.  A suivre donc !

Le meurtre de Ramsès III

On savait déjà que le pharaon Ramsès III avait été assassiné, en 1155 av. J.-C, après plus de trente ans de règne. Un papyrus conservé à Turin raconte que sa troisième épouse, Tiyi, souhaitait voir son fils Pentaour, second enfant du pharaon, accéder au trône. Elle monta alors une conspiration pour éliminer Ramsès III et écarter du pouvoir son successeur désigné, le futur Ramsès IV, fils aîné du roi né de sa première épouse.

Momie de Ramsès III

Que cachait cette manière de foulard ?

Mais la conspiration est éventée et les coupables condamnés à mort. Ramsès III a-t-il échappé au complot ? Fin 2012, une tomographie de sa momie de Ramsès III montre que non. Elle met en évidence une profonde entaille sous le larynx : Ramsès III a été égorgé.

Une nouvelle analyse au scanner à révélé en mars dernier que la mort de Ramsès III avait été particulièrement violente : il avait subi les coups de plusieurs agresseurs armés de barres, de poignards et même d’une hache. Sous les coups, un de ses orteils avait été coupé. Si ces autres blessures avaient échappé aux analyses antérieures, c’est que les embaumeurs égyptiens avaient fait de leur mieux pour les dissimuler et donner au roi une apparence digne de sa vie future…

Enfin, près de la momie du roi se trouvait celle d’un homme jeune, dont l’ADN a révélé qu’il s’agissait d’un fils de Ramsès III. Des marques sur son cou pourraient indiquer qu’il s’est suicidé par pendaison. De plus il est recouvert d’une peau de chèvre, animal impur, ce qui est une marque infamante… Il est fort possible qu’il s’agisse de Pentaour, qui aurait participé au complot…

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