La lettre de |
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Note d'information
n° 61 Eté 2022 |
Editorial
Une dernière lettre de l’AnticoPédie?
Il faut une conviction d’acier pour écoper à la petite cuillère l’eau qui s’engouffre dans un navire qui, comme les démocraties, part à la dérive...
Dès la création de la démocratie athénienne, le débat est ouvert: Platon est favorable à un gouvernement confié aux meilleurs, Aristote pense que chacun est capable d’apporter sa pierre à l’édifice. Le noeud du problème est l’aptitude du peuple à voter utilement.
Dans le livre 6 de "la République", Platon illustre la pensée de Socrate: quand un bateau rencontre une tempête, qui doit le diriger? Un navigateur expérimenté ou la multitude qui n’a aucune expérience en la matière?
En résumé, on ne doit pas voter pour untel parce qu’il est sympathique, convaincant ou qu’il parle plus fort que les autres, mais parce qu’il représente une compétence et une vision de l’avenir qui sera bénéfique au plus grand nombre. Platon doute de l’aptitude du peuple à voter judicieusement.
Le problème est-il aujourd’hui résolu? Dans bien des pays –démocratiques ou faisant mine de l’être- qui voit-on aujourd’hui se présenter aux suffrages des peuples? Quand bien même une éducation à la démocratie serait soudain largement diffusée (en tous cas plus largement que les élucubrations des réseaux sociaux), combien faudrait-il d’électeurs lucides pour influer sur le résultat des votes? Une majorité? Cela semble bien illusoire...
Faudrait-il instituer un "permis de voter", assurant comme le permis de conduire que l’on dispose d’un minimum des compétences nécessaires?
Comme des millions de publications, l’AnticoPédie s’efforce contre vents et marées de diffuser une culture qui puisse contribuer à nourrir la réflexion démocratique. Les évènements actuels ne prouvent pas que cela fonctionne...
René Kauffmann
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https://AnticoPedie.fr
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Riche comme Crésus après avoir touché le Pactole
L’or est un métal si mythique que ses légendes, de l’Antiquité à l’Eldorado du Nouveau Monde, décorent toujours notre vocabulaire.
Si Crésus, roi de Lydie, était aussi riche, c’est parce que, sur son territoire, coulait le fleuve Pactole qui charriait de l’or. En réalité de l’électrum, un alliage naturel d’or et d’argent, ce qui n’est déjà pas si mal.
Ce n’est pas tout. La légende dit aussi que Midas, roi de Phrygie, avait recueilli Silène, le précepteur du dieu Dionysos. Ce dernier, fort reconnaissant de cette hospitalité, offre à Midas de réaliser un voeu.
Midas souhaite que tout ce qu’il touche vienne à se transformer en or. Il est exaucé, mais constate vite que toute sa nourriture se transforme aussi en or.
Ne pouvant plus s’alimenter, il demande à être libéré de ce voeu. Pour cela, il doit se baigner dans le fleuve Pactole, qui se met dès lors à charrier des paillettes du précieux métal.
Et comment recueillait-on l’or du Pactole? En immergeant au fond de son lit des peaux de mouton lestées.
Les paillettes, piégées dans les boucles de laine, étaient facilement recueillies. Une explication du mythe de la Toison d’Or!
Le pauvre Midas, ayant constaté que l’or ne fait pas le bonheur, n’est pas au bout de ses peines, puisque le dieu Apollon lui aurait fait pousser des oreilles d’âne.
Crésus, pour sa part, aura des démêlés avec l’oracle de Delphes, la Pythie dont les oracles sont toujours sibyllins (même si la Sibylle n'était pas la Pythie) mais tout ceci se rapporte à d’autres légendes!
Invention géniale, la première monnaie de l’Histoire, en électrum, fut émise par les rois de Lydie, grâce aux trésors du Pactole. Crésus ne se serait d’ailleurs pas privé de trafiquer cette monnaie, en augmentant un peu la teneur en argent de l’alliage...
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Ukraine: Les Grecs et les Scythes dans la tourmente
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Du 8e au 5e siècle av. J.-C., les cités grecques se lancent à l'assaut de la méditerranée occidentale en un vaste mouvement de colonisation, amenant la création de foyers de culture grecque en Sicile et en Italie méridionale, en commençant par la Campanie.
Mais le Pont-Euxin (que nous appelons aujourd’hui la mer Noire) n’est pas en reste, et toute sa zone côtière voit arriver des colons grecs qui s’installent durablement.
Les colonies antiques de la côte Ukrainienne
Du 7e au 6e siècle av. J.-C., des colons de Milet fondent Istros (Istria, dans le delta du Danube) et, sur les côtes de l’Ukraine et de la Crimée, des cités comme Tyras et surtout Olbia, que nous appelons l’Olbia Pontique pour la distinguer notamment de l’Olbia située en France, dans le département du Var. |
La ville d’Olbia entre cependant en déclin dès le 4e siècle, car elle s’enfonce lentement dans les eaux. Même si une partie du site est aujourd’hui submergée, Olbia reste un site archéologique majeur, un "morceau de la Grèce antique" sur la côte Ukrainienne.
Au 5e siècle, des colons de Mégare s’installent en Crimée, notamment à Kerkinitis et Chersonésos. |
Le site archéologique d’Olbia couvre près de 50 hectares.
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Les Romains
Pour les Romains, la région est une province frontalière de peu d’importance économique, et les principales traces que l’on connaît concernent des fortifications, des garnisons comme à Orlivka (à la limite du delta du Danube), à Charax en Crimée, et des murs défensifs (les "Limes") comme ceux de Trajan.
Les Scythes
Les colons Grecs ne se sont pas installés sur une terre déserte. Peu avant eux, au 8e siècle av. J.-C, les Scythes, originaires d'Asie centrale, se sont installés dans une région qui correspond assez bien à notre Ukraine, après avoir délogé les Cimmériens. Ignorant l'écriture, ils sont surtout connus à travers les récits d'Hérodote: un roi règne sur les communautés sédentaires (laboureurs, cultivateurs, groupe élitiste des "Scythes royaux") et les nomades qui circulent au nord.
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L'apogée des Scythes correspond à celle de la Grèce classique.
Ce peuple n’était pas particulièrement tendre avec ses ennemis d’Asie Mineure, Cimmériens et Mèdes. "Tout Scythe qui tue pour la première fois boit du sang de sa victime; aux ennemis qu’il abat dans une bataille, il coupe la tête qu’il présente au roi; s’il présente une tête, il a sa part du butin conquis", écrit Hérodote.
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Les relations entre Grecs et Scythes ne sont pourtant pas belliqueuses. Il est vrai que les Grecs traitent souvent ces "barbares" en subalternes, voire en esclaves. Ils enrôlent des archers scythes qui notamment assurent à Athènes la police des marchés.
Ainsi, en dépit de conflits entre les Grecs sédentaires et les Scythes nomades, une véritable culture gréco-scythe s’est épanouie sur le territoire de l'actuelle Ukraine et de la Crimée.
Par exemple, les Scythes adoptèrent le culte d'Héraclès. Hérodote rapporte aussi qu’à la suite d’une offensive Perse menée par Darius Ier vers 513 av. J.-C., les Scythes d'Europe se seraient alliés à Sparte.
Cette union a cependant des limites, et Hérodote relate aussi l’histoire du jeune Anacharsis, un Scythe qui s’est assimilé à la culture hellénique, tué par ses compatriotes qui refusent l’existence d’une population mixte mêlant Grecs et Scythes.
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Chez nous, les Scythes sont particulièrement connus pour leur talents de métallurgistes et d’orfèvres, suite aux expositions sur "L’or des Scythes" qui se sont tenues à Paris au Grand Palais en 1975 et en 2001.
...Et l’or des Scythes est confisqué
En 2014, quatre musées de Crimée (alors Ukrainienne) prêtaient au musée Allard Pierson d’Amsterdam une collection inestimable d’objets pour une exposition intitulée "La Crimée: Or et secrets de la mer Noire".
Dès l’annexion de la Crimée un mois plus tard, le 18 mars 2014, la Russie revendique la propriété de ces objets. Après une longue controverse juridique, en octobre 2021, la justice néerlandaise décrète que les objets retourneront en Ukraine. Ils sont expédiés au Musée de Melitopol, ce qui déclenche la fureur des Russes.
Toutefois, avec la guerre qui débute le 24 février 2022, la Russie tient une occasion de priver les Ukrainiens de leurs objets d’art scythes.
L’équipe du musée d’histoire régionale de Melitopol avait mis la collection à l’abri, mais les Russes l’ont cherchée systématiquement dès leur arrivée. Le 25 février, des militaires russes, bien renseignés, pillent le musée.
Le vol de ces objets a aussi une fin politique: priver l’Ukraine de son histoire, c’est la nier en tant que nation. |
Que sont devenus les Grecs d’Ukraine?
Si la présence grecque s’est manifestée sur la côte de l’actuelle Ukraine dès l’Antiquité, elle ne s’est jamais interrompue.
Ils sont d’abord liés à l’Empire Romain au sein du royaume du Bosphore et au royaume du Pont, de culture grecque. Après les invasions par les Mongols au 13e siècle, les Grecs se maintiennent au sud de la Crimée. |
Marioupol (fondée par les Grecs), 2022
La principauté grecque de Théodoros subsiste jusqu'à la conquête ottomane au 15e siècle. Au 18e siècle, l’empire Russe s’empare de la région et la tsarine Catherine II déplace les populations Grecques de Crimée... entre les villes actuelles de Marioupol et de Donetsk!
Le régime stalinien les persécute, et des dizaines de milliers d’entre eux sont déportés ou exécutés. Cependant, en 2001, on évalue encore la communauté grecque à 91 000 membres en Ukraine, en particulier à Marioupol et à Odessa. Certains disent 150 000, comptant ceux qui avaient été "assimilés" sous la contrainte, mais aussi des Grecs plus récemment arrivés.
On imagine la situation dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui... Avec une crainte supplémentaire car l’inévitable montée du sentiment national en Ukraine est aussi ressentie comme une menace pour les minorités, qui se sentent prises entre deux feux.
Retour aux sources
Pour l’anecdote, mentionnons qu’en creusant des lignes de défense autour d’Odessa, des soldats ukrainiens ont découvert en mai 2022 un gisement d’amphores de l’époque romaine (3e-4e siècle). Celles-ci sont remises à mesure de leur découverte au Musée archéologique d’Odessa.
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