Le territoire qui devint la Grèce est habité depuis le Paléolithique, et différents peuples, appelés globalement Pélasges, s’y étaient sédentarisés.
Vers 2000 av. J.C., plusieurs civilisations coexistent dans le monde égéen. En Crète, la civilisation minoenne bâtit ses palais (Cnossos, Phaïstos, Mallia, Zakros), et met au point des sytèmes d’écriture. Dans les Cyclades, la civilisation dite "cycladique" s’épanouit. Dans le Péloponnèse, la civilisation helladique devient florissante, vraisemblablement sous l’influence d’un peuple récemment implanté, les Hellènes.
Par vagues successives arrivent d’autres peuples : les Ioniens occupent l’Attique et les Cyclades, les Éoliens s’établissent en Thessalie. Les Achéens, qui s’installent dans le Péloponnèse, sont à l’origine de la civilisation mycénienne qui dominera entre 1600 et 1200 av. J.C.
Vers 1450 la Crète passe sous domination mycénienne, et la langue grecque supplante progressivement la langue autochtone. Les inscriptions que l’on trouve alors sont en "Linéaire B", une écriture déchiffrée en 1953 et qui représente un dialecte grec mycénien.
Sans doute ravagée par le passage des "peuples de la mer", la Grèce voit aussi arriver, entre le XIIIème et le Xlème s. av. J.C., de nouveaux émigrants, les Doriens. Elle entre à cette époque dans les "siècles obscurs", et il faudra plusieurs siècles avant que les grandes cités grecques émergent enfin.
De ces migrations et des mélanges de populations naît une certaine unité culturelle et matérielle qui fera la richesse du monde grec, mais chaque peuple garde son dialecte et son individualité: les Ioniens conservent les bases de l’organisation achéenne, les Doriens constituent une société guerrière. L’Attique reste à l’écart de ces bouleversements, et accueille des populations qui fuient leur région d’origine.
La langue grecque est issue du tronc commun des langues indo-européennes auquel appartient aussi le latin, les langues italiques, le gaulois et les langues celtiques, germaniques et scandinaves, le sanscrit et le persan. S’est-elle formée vers 2000 av. J.C.quand les immigrants se sont installés en Grèce en intégrant les langues des habitants anciens, ou est-elle née bien plus tôt parmi les populations qui arrivèrent ensuite par vagues successives, la question reste débattue. De même, on ne sait si sa généralisation résulte d’une action autoritaire ou d’une infiltration progressive.
Quoi qu’il en soit, les premièrs textes écrits, dans un grec essentiellement ionien teinté d’éolien, remontent au VIIIème siècle av. J.C., et il ne s’agit de rien de moins que des poèmes d’Homère et d’Hésiode.
Jusqu’au IVème siècle av. J.C., de nombreux dialectes coexistent selon les régions, mais ils restent assez proches pour permettre la communication entre les habitants des différentes cités :
les dialectes mycéniens, qui survivent en Arcadie (centre du Péloponnèse) et à Chypre.
l'ionien est parlé en Asie Mineure, à Eubée et dans certains Cyclades. Il a été employé par Hérodote, Hippocrate ou Théognis. Mêlé à des éléments éoliens, il est le fond de l'épopée homérique, et inspire tous les poètes grecs.
l'attique, une branche de l'ionien, constitue le grec classique. C'est la langue de la belle époque d'Athènes, au Vème et IVème siècle av. J.C., celle d'Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Thucydide, Platon, Xénophon, Isocrate, Eschine, Démosthène et tant d'autres.
l’éolien, qui regroupe d’autres dialectes (le lesbien – la langue de Sappho- , le thessalien et le béotien).
le dorien parlé au Nord-Ouest et dans le Péloponnèse. C'est la langue des Spartiates et des colons qui vont s’installer en mer Egée et dans la méditerranée occidentale (Grande Grèce).
Au IVème siècle, l’épopée d’Alexandre le Grand a pour résultat une expansion de la langue attique, et en même temps une intégration de nombreux éléments linguistiques des pays conquis, qui conduisent à la rendre plus universelle : cette langue, adoptée par l’ensemble de la littérature, est alors appelée "langue commune" ou koinê (ou koinè). C’est la langue d’Alexandrie et de tout le monde grec. Au Ier siècle de notre ère, c’est aussi la langue des premiers auteurs chrétiens. Elle perdure jusqu’à devenir le grec médiéval, à l’avènement de l’empire byzantin au IVème siècle.
La première écriture trouvée dans le monde grec, et plus précisément en Crète, remonte à l'époque minoenne, entre 2000 et 1200 av. J.C. Appelée "écriture linéaire A", elle était composée de 85 signes ou idéogrammes, ce qui suggère une écriture syllabique, mais elle demeure à ce jour indéchiffrée. A droite, le célèbre disque de Phaistos. Il constitue une des grandes énigmes de l'archéologie. Une écriture unique... s'il s'agit vraiment d'une écriture...
Deux systèmes d’écriture sont considérés comme dérivés du linéaire A :
celui appelé linéaire B utilisé en Crète,
et le chypro-minoen ou linéaire C, en usage à Chypre qui comme le linéaire A reste indéchiffré, mais dont on a retrouvé des tablettes jusqu’à Ougarit. Ce dernier serait à l’origine de l’écriture syllabaire chypriote.
Il est possible que les premiers systèmes, linéaire A et Chypro-minoen, aient été destinés à écrire le Minoen, et les nouveaux systèmes, le linéaire B et le syllabaire chypriote, résultent d’une adaptation des anciens pour permettre de transcrire les langues grecques anciennes. Toujours est-il que ces derniers sont utilisés pour écrire des dialectes grecs.
Le linéaire B (à droite) fut utilisé en Crète où il a pour un temps coexisté avec le linéaire A. Déchiffré en 1952 par l'architecte anglais Michael Ventris, ce système syllabaire écrivait le mycénien, une forme archaïque du grec ancien. Il était composé de signes syllabiques représentant soit une voyelle isolée, soit une association consonne + voyelle. Le système numéral était décimal, et les unités de poids et de mesures dérivaient du système babylonien.
Le syllabaire Chypriote est apparu entre le XIème ou VIIème siècle av. J.C. Il a été employé pour retranscrire le dialecte grec local jusqu’à l’époque ptolémaique, où l’alphabet grec, avec lequel il a donc largement coexisté, s’est progressivement imposé. Robert Hamilton Lang en a commencé le déchiffrement dès 1869 en s’appuyant sur un texte bilingue chypriote-phénicien datant du IVème siècle av.J.C.
C’est au sortir des "siècles obscurs", vers la fin du IXème ou au début du VIIIème siècle av. J.C. que les Grecs ont constitué leur nouvel alphabet, qui résulte directement d’une adaptation de l'alphabet phénicien. Différentes hypothèses ont été émises sur les lieux où la communication de l’alphabet a pu se faire : la Beotie selon Hérodote, Eubée selon Plutarque...
Cependant, alors que les langues sémitiques s’accomodent bien de systèmes d’écriture dans lesquels seules les consonnes sont représentées (abjads), ce n’était pas le cas des dialectes grecs.
les Grecs adaptèrent donc l'alphabet phénicien d’abord en modifiant l’usage des consonnes selon les sonorités de leur langue, mais surtout, ils introduisent une grande innovation : l'écriture des voyelles. Ils utilisèrent pour cela certaines consonnes phéniciennes dont ils n'avaient pas l'usage, en ajoutant le I (iota). Dorénavant, les consonnes devaient être accompagnées d'une voyelle pour rendre la syllabe prononçable.
Les Grecs ont conservé grosso modo les noms des lettres phéniciennes, ainsi que leur "ordre alphabétique". Les premiers textes grecs, datant du VIIIème siècle, sont de plus écrits de droite à gauche. Par la suite, le sens variera, pouvant même adopter la disposition "en Boustrophédon" ("comme le bœuf trace le sillon", les lignes étant tracées alternativement de gauche à droite et de droite à gauche), avant de se fixer de gauche à droite.
L'alphabet grec se construit lentement et se propage en s’adaptant selon les régions, mais toujours à partir du modèle phénicien. En 1887, Kirchhoff distingue 3 groupes d’évolution : le groupe crétois, le groupe attique, ionien et corinthien, et le groupe occidental (Phrygie, Eubée, Béotie, Thessalie, ouest du Péloponnèse et Grande-Grèce), dont dérivera plus tard l’alphabet étrusque, puis l‘alphabet latin.
Les lettres grecques - qui n'existent qu'en capitales - se tracent ainsi différemment selon les cités et les régions. En 403, Archinos impose à Athènes l’usage d’une version de l'alphabet ionien. Les autres villes grecques suivirent progressivement cet exemple.
A droite, un détail du texte des lois de Gortyne, écrit en Boustrophédon
On introduisit les espaces entre les mots, puis à l'époque hellénistique les signes comme les "esprits" (marques d'aspiration) et les accents, ainsi que des formes cursives de l’écriture (alors que les majuscules, ou "onciales", restent le modèle) mais le système complet avec accents, majuscules, minuscules et ponctuation ne sera généralisé qu’au IXème siècle de notre ère.
Les Grecs utilisèrent aussi des diphtongues pour créer des sons nouveaux en associant des lettres (comme «oi", "ou", "in" en français), mais leur prononciation précise s’est perdue par la suite. Quand, à la Renaissance, on redécouvre la langue grecque ancienne, Erasme attribue aux diphtongues une prononciation (la prononciation érasmienne) qui sera utilisée dans l’enseignement sans qu’on puisse assurer qu’elle corresponde à une quelconque réalité.
Les plus anciens systèmes de notation numérique grecs sont directement inspirés du système Egyptien : un système décimal, sans zéro, avec un signe pour chaque "rang" décimal (unités, dizaines, centaines, milliers)...
Ces signes varient, mais le principe est immuable : on répète chaque signe autant de fois que nécessaire.
Un exemple que l’on retrouve partout sur le web :le nombre 6438, qui s’écrit dans le système crétois :
et dans le système grec archaïque :
Voilà qui n’est guère commode pour écrire 999...
Numération acrophonique
Dès le Vème siècle av. J.C., en Attique, on utilise des chiffres dits "acrophonique" car chaque signe est la première lettre du nom qui le désigne (sauf pour le 1, un trait)
I pour 1 (un trait),
G pour 5 (PENTE, avec la forme ancienne de la lettre"P" ), que l'on retrouve dans pentagone,
D pour 10 (DEKA), que l'on retrouve dans déca,
H pour 100 (HEKATON), que l'on retrouve dans hecto,
C pour 1000 (CILIOI), que l'on retrouve dans kilo,
M pour 10000 (MURIOI), la myriade.
Ceci inspirera les Etrusques, puis les Romains.
Pour éviter d’avoir à écrire 9 signes pour 9, 90 ou 900, on ajoute des signes intermédiaires de 5 en 5 :
Ce système permet fort bien de lire un nombre, mais se prête difficilement à l’arithmétique...
Bien que s'étant répandu avec l’hégémonie athénienne, il a été remplacé en 403 av. J.C. par le système dit ionien (en même temps que la réforme de l’écriture elle aussi d’inspiration ionienne), qui existait déjà à Milet depuis plusieurs siècles et utilise la numération alphabétique (on parle aussi de numération milésienne).
Numération alphabétique
Le principe est simple : on utilise les lettres de l’alphabet. La première lettre (alpha) représente le 1, la seconde (beta) le 2, la troisième (gamma) le 3, etc. jusqu’à 9. Les 9 lettres suivantes désignent les dizaines, et les 9 suivantes encore, les centaines.
Il faut donc disposer de 27 signes différents pour représenter tous les nombres de 1 à 999, et ces nombres s’écrivent en utilisant 3 signes au maximum, ce qui est déjà plus rapide.
Comme l’alphabet grec ne comporte que 24 lettres, les Grecs ont ajouté 3 signes supplémentaires récupérés de formes archaïques de l’alphabet: le stigma ou digamma ϝ pour le nombre 6, le koppa ϟ pour le nombre 90 et le sampi ϡ pour le nombre 900.
Pour bien indiquer qu’il s’agit d’un nombre et pas de lettres, ces signes sont d’abord soulignés ou surlignés, et plus tard simplement suivis d’un signe, le "keréa" qui ressemble à un accent aigu.
Voici le problème réglé pour les nombres de 1 à 999. Et au-delà de 1000 ? Pour indiquer que le premier chiffre désigne des milliers, on place un "keréa" à gauche (aristeri keréa). Ce qui nous amène à 9999.
Quelques exemples:
Au-delà, le système change, et utilise la "bonne vieille" Myriade, le M, qui représente 10000, surmonté du "nombre de dizaines de milliers". En reprenant les exemples de nombres ci-dessus:
Les savants grecs ont proposé d’autres systèmes pour aller plus loin, comme les "myriades de myriades" (10000 fois 10000) qui correspondent en fait à des puissances de nombres.
Bref, le calcul restait très compliqué, et le recours aux tables d’arithmétiques (abaques) était indispensable.
Notons que ce système n’a pas complètement disparu et que les Grecs l’utilisent encore un peu comme nous utilisons les chiffres romains, par exemple pour désigner un roi : là où nous écrivons Georges II (et non Georges 2), le Grec écrira b’ !
Les astronomes ajoutent un zéro !
Les astronomes grecs utilisèrent le même système que leurs "collègues" babyloniens, c’est-à-dire le système sexagésimal (base 60) qui conduit aux 60° de l’angle du triangle équilatéral et aux 360° du cercle complet, divisés en 60 minutes de 60 secondes.
Ce système aurait été adapté par Hipparque vers 140 av. J.C.
Pour l’employer, on n’utilise que les nombres de 1 à 59 (signe 50 + signe 9). Quand l’arc ne contient que des degrés et pas de minutes, on note l’absence de minutes en introduisant un signe qui est une sorte de zéro, mais qui joue seulement le rôle d’une "marque de vide et n’est pas réellement un chiffre. Il s’agit d’un "o" surligné ou souligné de différentes manières selon le rédacteur .
Cette notation est celle qu’utilisa Ptolémée (vers 140 av. J.C.) et ses successeurs.