Les cônes funéraires égyptiens dans le dédale des interprétations

Les anciens Egyptiens plaçaient parfois, au-dessus de l’entrée de la chapelle d’un tombeau, des petits cônes d’argile cuite appelés « cônes funéraires ». On en connaît de très nombreux exemplaires, dont la plupart proviennent de la nécropole de Thèbes. Ils commencent à apparaître vers la 11è dynastie, mais se multiplient surtout entre la 18è et la 26è dynastie (1550 à 525 av. J.-C.), où ils sont décorés et inscrits en hiéroglyphes du nom et du titre du propriétaire de la tombe, avec une brève incantation.

Il y a cône et cône!

Avant tout, ne confondons pas les cônes funéraires en argile dont nous parlons ici, avec les « cônes parfumés » fréquemment représentés sur les fresques qui ornent les tombes, et qui concernent aussi bien les hommes que les femmes.

Les Egyptiens posaient-ils ces curieuses coiffures sur la tête des morts, ou les portaient-ils de leur vivant ?

Certains supposent qu’ils protégeaient ainsi leurs cheveux du dessèchement en utilisant des huiles et des substances grasses qui fondaient lentement. Selon d’autres, ces cônes protégeaient des parasites, ou étaient parfumés. Un tout petit coin du mystère s’est soulevé lorsqu’on a trouvé à Amarna, très récemment, un squelette entier avec un cône de cire placé au sommet de la tête. Un autre exemplaire, moins bien conservé, a été repéré dans une tombe voisine. Et c’est tout. Un cas, peut-être deux, sur des centaines de tombes, cela ne suffit pas pour en tirer des conclusions. Pour le moment, on ne peut formuler que des hypothèses…

Le cône funéraire de terre cuite

Photos de cônes : © Maison de ventes Millon

Jean-François Champollion fut le premier à faire état de ces objets, trouvés en grande quantité. Généralement de forme conique, plus rarement pyramidale, ils sont modelés à la main, puis leur base est pressée contre une plaque de bois ou de pierre qui porte une inscription gravée en creux.

De cette manière, on imprime sur la base des cônes une inscription dont les signes apparaissent en relief. Il est bien sûr possible, à partir de la même plaque gravée,  de réaliser toute une série de cônes identiques: on en a trouvé appartenant à une même série. Les cônes passent ensuite au four pour être durcis. Leur dimension varie de 10 à 35 cm de longueur, 5 à 10 cm de diamètre à la base. Certains conservent des traces de peintures.

Les inscriptions en hiéroglyphes se présentent en lignes verticales ou horizontales en nombre variable (de une à sept) inscrites dans un cercle. Elles présentent généralement le défunt, ses titres, parfois une courte prière.

A quoi servaient-il donc ?

Si ces objets sont courants et bien répertoriés, leur usage reste mystérieux. Champollion supposait qu’il s’agissait de petites inscriptions funéraires, une sorte de « carte de visite » du défunt. Mais pourquoi alors donner cette hauteur au cône?

L’usage pourrait rappeler les « cônes de fondations » que les gouvernants de Mésopotamie plaçaient dans les murs lors de leur construction, pour en signer la paternité. Fondateur d’une muraille, d’un palais et ici, d’une tombe, est-ce la même démarche?

Cône de fondation du mur d’Isin (Babylonie)
construit par le roi Ishme Dagan  (1953-1935  av.J.C.). Caractères cunéiformes.

Pour Auguste Mariette, la forme du cône évoque le hiéroglyphe qui signifie « offrir ». Gaston Maspero rapproche cette forme de celle des pains coniques (dont on a trouvé quelques exemplaires), ce qui symboliserait des offrandes de pain. Une hypothèse fréquemment reprise depuis.

Le hiéroglyphe rd(i) (pain conique) signifie donner, présenter

D’où viennent-ils ?

Si on trouve des cônes funéraires dès la 11è dynastie, ceux-ci restent lisses, sans inscription. Les cônes inscrits apparaissent sous la 18è dynastie et sont utilisés jusqu’à l’époque ramesside. Ils disparaissent ensuite, mais on en retrouve plus tard (25è-26è dynasties), pour la décoration de tombes de notables de Thèbes. Nombreux sont ceux qui concernent des personnages connus, parfois des femmes.

On en trouve, épisodiquement, dans d’autres régions, et jusqu’en Nubie, mais bizarrement, même ceux-ci concernent parfois des notables de Thèbes! Pourquoi ont-ils été ainsi dispersés?

A Deir el-Bahari (Thèbes), Herbert Eustis Winlock (1884-1950) découvrit aussi des cônes funéraires disposés en rangées, et scellés dans la façade d’une tombe de la 11è dynastie. Il supposa de ce fait que les cônes funéraires pourraient être des motifs architecturaux, symbolisant les poutres de bois qui dépassaient des façades des premières maisons de l’Égypte ancienne…

Peut-être les cercles rouges, peints sur les murs d’autres tombes, pourraient-ils avoir la même signification.

Si tel est le cas, ceci n’est pas sans rappeler les « triglyphes » des temples grecs qui, selon Vitruve, représentent également les extrémités des poutres de bois que les Grecs utilisaient dans leurs premiers temples.

Triglyphes, Delphes

Pour le moment, on n’en sait pas plus. Ceci n’empêche pas les collectionneurs de se passionner pour ces objets très évocateurs, bien documentés (plusieurs ouvrages en font le recensement) et qui, vu leur nombre, restent d’un prix abordable.

Ce contenu a été publié dans Les articles, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *