Objet archéologique, falsification, canular ou manipulation ?
Les anciens Russes savaient-ils réellement lire et écrire il y a 200 000 ans? Certains ont osé se poser cette question. Comment en est-on arrivé là?
Dans les années 1920, un certain Jake Nelson, habitant la ville de Roseau, dans le Minnesota, découvre sur son terrain, parmi d’anciens objets amérindiens, une petite pierre ovale de 5 cm, apparemment gravée d’un visage entouré d’une couronne de petits signes. Il la montre à C.P. Bull, membre du département d'État qui avait autrefois résidé à Roseau. Les deux hommes décident de l’envoyer à une connaissance commune, Mike Holm, secrétaire d'état du Minnesota. Ce dernier emporte la pierre à l’université du Minnesota afin de la montrer au Dr. Jenks, anthropologue.
En 1927, le professeur Jenks remet la pierre à John Jager qui se lie d’amitié avec Mike Holm, ce dernier en conservant cependant la propriété jusqu'à sa mort en 1952.
Jager est un architecte connu à Minneapolis et Saint-Paul. C’est aussi un érudit passionné d'anthropologie et d'épigraphie, qui a déjà envisagé l'idée d’une possible visite d’Européens en Amérique avant l’arrivée de Christophe Colomb. En 1927, il photographie la pierre sous tous ses angles, et notamment l’inscription, qu’il reconstitue en un "déroulé", en assemblant ses photos bout à bout, et rédige plusieurs notes sur cet objet.
Il constate que la pierre de Roseau comporte des caractères de type runique, disposés selon deux lignes superposées. A l’époque, l'archéologie restait une discipline récente, et Jager ne dispose pas d’un grand nombre de documents pour comparer les signes. Il consacre de longs mois à cette recherche, et conclut qu’il s’agit de runes originaires des Balkans ou des pays slaves datant du haut moyen-âge, et précédant les caractères cyrilliques utilisés plus tard en Russie. Jager étant originaire du sud de l'Autriche et lisant couramment le russe, il semblait bien placé pour percer le mystère du message.
Et soudain l’affaire se complique. Peu de temps après, Jager confie à nouveau la pierre au professeur Jenks et au professeur Stauffer (géologue) à l’Université du Minnesota. Ceux-ci, en la nettoyant dans un bain d'acide, la détériorent gravement. Jager est atterré et indigné que l’objet sur lequel il a travaillé avec passion pendant les 20 derniers mois puisse être ainsi détruit par incompétence, à moins qu’il ne s’agisse d’une action délibérée, comme le pensent certains. Car certains intellectuels s’opposent alors farouchement à l’idée que l’Amérique ait pu recevoir des visiteurs avant Christophe Colomb. Après tout, même aujourd'hui, bien d’autres nient tout aussi farouchement la théorie de l’évolution.
A la mort de Jager, la plupart de ses documents sont perdus ou détruits (volontairement, dit-on parfois), à l’exception du dossier qui contenait les notes manuscrites et les photos. Lorsque Mike Holm décède, quelques années plus tard, la pierre disparaît pendant plus d’un demi-siècle : on en perd la trace de 1952 à 2011.
Elle refait pourtant surface de l’autre côté du Mississippi, à Minneapolis en 2011 : la bibliothèque universitaire Elmer L. Anderson reçoit alors un don. Il s’agit d’objets personnels ayant appartenu à Théodore Blegen, décédé en 1969, un chercheur qui avait travaillé sur une autre pierre runique, la stèle de Kensington (également trouvée dans le Minnesota, ci-contre), dont il doutait sérieusement de l’authenticité – un doute largement partagé par la plupart des scientifiques, qui rejaillit sur l'authenticité de la pierre de Roseau… Comme il comptait parmi les opposants à l’idée de visiteurs européens ayant précédé Colomb, on a dit qu’il aurait pu dissimuler la pierre de Roseau pour éviter des discussions gênantes. Quoi qu'il en soit, voici donc la pierre revenue, et présentée à une exposition tenue à la Bibliothèque intitulée "les sources de l'Histoire", du 20 avril au 15 juin 2011.
Mais la controverse continue. L’homme qui a retrouvé la pierre en 2011, Steve Hilgren, affirme qu’elle est en bon état, que son inscription est en runes nordiques (viking) et qu’elle a été traduite. Tout le monde n’est pas de son avis. Depuis plusieurs années, des scientifiques russes affirment qu’il s’agit d’un objet bien plus ancien portant le visage de la déesse Jara et dont l’inscription en russe ancien précède même les écritures sumériennes. Il s’agit de Valery Tchoudinov, une sommité de l’Académie des Sciences, et Vladimir Pakhomov, qui en a révélé le texte traduit. Il en déduit que la langue russe a précédé toutes les langues européennes, que les Russes savaient lire et écrire bien avant le néolithique et s’étaient répandus sur tous les continents.
Aussi étrange que cela paraisse, cette théorie selon lesquels les Russes ont colonisé l’Amérique il y a 200 000 ans, a ses partisans !
P.S.: Peut-on pour autant écarter le fait que les Russes sont capables d’un certain sens de l’humour, et que Tchoudinov compte parmi ses amis un nommé Mikhail Zardonov, satiriste professionnel?