L’été s’achève. Peut-être avez-vous profité des superbes plages grecques comme des millions de vacanciers cette année?
Les Grecs, eux, y étaient peu présents, car la frénésie de la saison touristique leur laisse rarement le temps de profiter du soleil (hélios) et de la mer (thalassa). Qu’en était-il dans l’Antiquité? Les Romains, Les Grecs, les Egyptiens goûtaient-ils les charmes de la plage? Savaient-ils même nager?
Petite histoire de la natation
Des hommes nageaient certainement dès la préhistoire, et les Egyptiens pratiquaient la natation il y a plus de 6000 ans: dans la grotte de Wadi Sura, au sud-ouest de l’Egypte, à la frontière libyenne, un artiste néolithique égyptien a clairement représenté les silhouettes de trois nageurs.
D’autres illustrent un sceau égyptien daté de 4000 ans avant J.-C., ou la « patère des nageuses« , ci-contre (21e dynastie), etc. Parmi les hiéroglyphes entrant dans l’écriture du verbe « nager » figurent parfois (un même mot peut s’écrire de plusieurs manières) plusieurs signes qui représentent un nageur.
Brasse, crawl ou papillon? Les peintures des vases grecs ne sont pas plus claires que les hiéroglyphes à ce sujet. Elles montrent le plus souvent des mouvements de bras qui s’apparentent aussi bien au crawl qu’à la brasse…
Quant aux jambes, elles semblent suivre comme elles peuvent! Les Grecs et plus encore les Phéniciens nageaient et plongeaient fort bien, et pas seulement pour les loisirs. On plongeait pour chercher des coquillages comestibles, la nacre, les éponges, les perles ou la pourpre dont les Romains teignaient leurs toges…
Un apprentissage indispensable
Ce qui est sûr, c’est que savoir nager faisait partie des bases de l’éducation. Les parents, mais aussi des professeurs, enseignaient la natation aux jeunes, et l’on sait que des ceintures munies de flotteurs en liège étaient employées pour cet apprentissage.
Le poète latin Horace, au 1er siècle av. J.-C., annonce: « L’heure viendra, mon enfant, où ton corps s’étant formé et ton esprit s’étant mûri, tu nageras, sans liège, en pleine eau ».
Cinq siècles auparavant, le Grec Solon disait déjà: « Les garçons doivent avant toute chose apprendre à nager et à lire ». Tous les Anciens s’accordent sur ce point, et Platon le répète: « un homme qui ne sait pas lire, écrire et nager est mal éduqué ».
En fait, dire de quelqu’un qu’il ne sait « ni lire ni nager » revenait à le traiter d’incapable. Le Romain Suétone, dans la Vie des Douze Césars, dit avec surprise de l’empereur Caligula: « Cet homme, qui apprenait si aisément tant de choses, ne savait pas nager! ».
Tous à l’eau?
Tous les peuples n’ont pas la même relation avec la mer: beaucoup la redoutent, et si certains disent que la mer sépare les îles, les Grecs disent qu’elle les réunit.
Les Egyptiens vivaient en symbiose avec le Nil, et n’hésitaient pas à nager… en prenant garde aux crocodiles.
Des cuillères à fard, dont on connaît de nombreux exemplaires, prennent la forme d’une nageuse poussant devant elle une nacelle, dans un mouvement parfaitement maîtrisé.
D’autres références à la natation figurent sur les murs babyloniens et assyriens.
Dans l’Odyssée, Ulysse est contraint de nager à plusieurs reprises lors des naufrages de ses navires. Chez les Grecs, peuple marin par excellence, savoir nager était d’importance vitale, et lorsque les Perses attaquèrent Athènes, lors de la bataille de Salamine en 480 av. J.-C., beaucoup se noyèrent alors que les Grecs naufragés rejoignaient la terre ferme à la nage, nous dit Hérodote.
On notera pourtant que la natation était totalement absente des Jeux Olympiques. Ceci peut surprendre quand on considère que nombre d’épreuves olympiques (lancer du javelot, course en armes, course de chars…) dérivaient de l’entraînement militaire: quand des soldats devaient franchir un cours d’eau, mieux valait savoir nager, même si certains s’aidaient en se munissaient d’outres gonflées.
Des courses de natation se tenaient cependant aux jeux du temple de Dionysos Mélanaigis, à Hermione.
Les Romains étaient, dans les premiers temps du moins – avant les guerres puniques qui les opposèrent à Carthage, vers 269 av. J.-C., les contraignant à prendre la mer – bien plus terriens que marins, et on les imagine plus volontiers barbotant dans les piscines des thermes que profitant du soleil sur la plage.
Fuyaient-ils les moustiques, nombreux dans certaines contrées ? Plus simplement, ils semblent avoir préféré l’eau douce, plus accueillante.
Tout de même, des villes comme Baïes (une sorte de Saint-Tropez de la Rome antique, aujourd’hui partiellement engloutie mais parfaitement visitable… en plongée, image ci-contre) ou Herculanum, avant l’éruption du Vésuve qui la détruisit en 79 en même temps que Pompéi, étaient d’agréables stations balnéaires.
De riches Romains y possédaient leur résidence secondaire où ils venaient passer l’été, fuyant la chaleur de Rome. Ils semblent en avoir apprécié les rivages, les cures thermales et une certaine forme de thalassothérapie.
Quoi qu’il en soit, dans les heures chaudes des climats méditerranéens, un bain rafraîchissant devait toujours être bienvenu.
Sur la plage
Certes, le petit peuple des campagnes n’avait pas de vacances, mais dans les pays méditerranéens, on apprécie le soleil où que l’on se trouve. Ainsi le philosophe Diogène ne formula qu’une seule requête quand Alexandre le Grand lui demanda ce qu’il pourrait lui offrir : « Retire-toi de mon soleil ». Eh oui, même l’ombre d’un Alexandre peut gêner.
A propos d’Alexandre, citons aussi la légende qui fait de lui le premier explorateur des fonds marins: il serait descendu à plusieurs mètres de profondeur, dans le Golfe Persique, vers 322 av. J.-C. à l’aide d’une cloche à plongeur, la colympha, formée d’un grand tonneau muni de hublots de verre.
Sur un tombeau étrusque de Paestum, un homme plonge, peut-être vers l’au-delà, mais dans un style bien choisi pour le plaisir. Il faut dire que les Etrusques s’adonnaient, bien avant les Romains, aux charmes de la « dolce vita ».
Enfin, une célèbre mosaïque de la villa de Casale près de Piazza Armerina, au sud de la Sicile (une région où l’importante présence grecque et phénicienne a peut-être contribué à l’amour de la mer), nous montre qu’au 3e siècle, les jeux de plages ressemblaient aux nôtres – et les bikinis aussi.
Des plongeurs professionnels
De tous temps, les meilleurs plongeurs furent réquisitionnés, que ce soit pour récupérer des richesses englouties lors des naufrages, ou exécuter de véritables opérations militaires. Thucydide raconte que, pendant la guerre du Péloponnèse, lorsqu’Athènes attaque l’île de Sphactérie (à l’ouest du Péloponnèse), des plongeurs viennent ravitailler les Spartiates assiégés.
Chez les Romains, comme son nom ne l’indique pas, l’urinatorétait un plongeur (souvent d’origine phénicienne) chargé de chercher des objets engloutis, d’intervenir sur les navires en difficulté, ou d’aller saboter les navires ennemis, voire d’en percer la coque.
Pour certaines de ces opérations, on immergeait, le long du parcours prévu, des outres ou des amphores pleines d’air où ils pouvaient reprendre souffle sans remonter en surface.
Hydna de Scione, une héroïne oubliée
Hydna de Scione, initiée à la natation par son père Scyllias, un instructeur de plongée et de natation, est devenue célèbre pour ses performances.
Bien qu’Hérodote mette en doute cette péripétie, Pausanias relate qu’après la bataille des Thermopyles (480 av. J.-C.), Hydna et son père nagèrent dans une mer agitée sur plus de 15 km pour atteindre les navires perses réunis au mouillage au cap Artémision.
Ils coupèrent alors les cordages des ancres. Les navires sans amarres se heurtaient dans la tempête, et les graves dommages ainsi causés contribuèrent à la victoire des Grecs à la bataille de Salamine.