L’un des articles du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » (n° 2954), présenté par le ministère de la Culture et adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 6 octobre dernier, est peut-être plein de bonnes intentions mais risque d’avoir des conséquences graves pour les découvertes archéologiques.
Dans le sommaire présenté la « mesure-phare » 26 propose de « Reconnaître les biens archéologiques comme biens communs de la Nation »: la loi prévoit « un régime de propriété publique des biens immobiliers et mobiliers archéologiques, dans le but de reconnaître leur statut de biens communs de la nation, de mieux les protéger et de simplifier les régimes de propriété. »
Résumons : à ce jour, si monsieur X découvre par hasard un objet ancien sur le terrain de monsieur Y, ils s’en partagent la propriété. Autrement dit, si vous trouvez un objet chez vous, aussi importante que soit la découverte, il vous appartient entièrement. L’Etat se réserve juste le droit d’examiner l’objet pendant une durée maximale de 5 ans, et le restitue ensuite à ses propriétaires légitimes. Le cas n’est pas si rare: chaque année, au hasard d’une promenade, on découvre des « trésors » de monnaies anciennes ou d’objets antiques qui conduisent parfois à identifier un nouveau site archéologique. Déclarer une trouvaille à la Mairie (ainsi qu’on doit le faire) n’est d’ailleurs pas forcément une mauvaise affaire : vendre une monnaie antique sur le marché officiel rapporte bien plus que la négocier à la sauvette…
Or, que prévoit la nouvelle loi (Art. L. 541-4) ? Que les objets découverts fortuitement « sont présumés appartenir à l’état […] à compter de la reconnaissance de l’intérêt scientifique justifiant leur conservation ». Autrement dit, l’Etat se les approprie purement et simplement, et les étudiera… ou pas.
En ce cas, parmi ceux qui trouvent quelque chose d’intéressant, combien seront tentés d’aller les déclarer en Mairie ? Que de découvertes risquent ainsi de rester inconnues, voire détruites pour éviter de retarder un chantier…
Quant à « simplifier les régimes de propriétés », ce n’est pas si sûr: cette mesure ne s’appliquerait que pour les terrains acquis après la parution de la loi. Voilà qui donnera du plaisir aux juristes, si le terrain de la découverte est acquis par héritage ou appartient à une SCI comptant de nouveaux et d’anciens associés.
Espérons que ces « détails » n’échapperont pas à Messieurs les Sénateurs…
René Kauffmann