Heureuse époque où, sans se poser de question, chacun peut acheter un kilo de fruits à Paris, à Rome ou à Athènes et le payer en euros.
Tel n’était évidemment pas le cas dans l’Antiquité (voyez notre article), et il est même inutile de remonter si loin!
Pour commencer, le joailler compte toujours en carats (0,2 gramme), le bijoutier suit le cours de l’or en onces alors que le pétrole se cote en barils (pour mémoire, un baril équivaut à 42 gallons de vin anglais). Quant à la diagonale de votre écran, elle se mesure en pouces.
Jusqu’en 1971, l’achat d’une pinte de bière en Angleterre (0,568 litre) se réglait en shillings valant 12 pence ou 1/20ème de livre. Le touriste se demandait combien coûtait un « demi » de bière (qui d’ailleurs ne fait qu’un quart de litre) en francs français. Et il se demande toujours combien coûte le litre d’essence aux Etats-Unis (environ 2 dollars pour un gallon qui vaut, comme chacun sait, 231 pouces cubes et n’a rien à voir avec le gallon britannique de 160 onces liquides).
Chez nous, c’est dans le bouillonnement de la Révolution Française que le système métrique décimal est institué le 18 germinal an III (7 avril 1795), venant remplacer les centaines d’unités de mesure alors en usage. Auparavant, tout changeait d’une province à l’autre, voire d’une ville à l’autre.
Même autour de Paris, les arpenteurs mesuraient les terrains en perches qui valaient 18 pieds à Rosny-sous-Bois, 19 pieds et 4 pouces à Montreuil et 20 pieds à Noisy-le-Sec. La livre de Paris comptait 16 onces (de 30,6 grammes), celle de Lyon 13 onces 3/4… mais 15 onces pour la soie. Car les unités dépendaient parfois aussi du produit pesé.
Il existait par exemple huit livres différentes à Venise. Cinq servaient, dans la ville, à peser les médicaments, les fils tissés d’or et d’argent, la soie, les farines, le pain. Trois autres servaient aux échanges commerciaux: le marc (238,531g), la livre « sottile »
(légère, 301g) pour les produits rares et coûteux comme les épices, la livre « grossa » (lourde, 477g) pour les autres. Bien sûr, chacune possédait ses propres sous-multiples qui étaient tout sauf décimaux.
Considérez aussi que, jusqu’au 13e siècle, vous deviez effectuer les calculs de conversion en chiffres romains.
Ce qui n’a jamais découragé les voyageurs…
René Kauffmann