La chasse au trésor: un loisir, un odieux pillage ou une aide à l’archéologie?

Jusqu’au 19e siècle, les fouilles archéologiques étaient toutes réalisées par des personnes dont les méthodes n’avaient rien de scientifique et s’apparenteraient aujourd’hui au pillage le plus éhonté.

Fouilles à PompéiLes choses ne changent que vers 1860, lorsque Giuseppe Fiorelli explore Pompéi de manière organisée. Eh oui, les collections archéologiques des plus grands musées ont été constituées sur la base de fouilles qui horrifieraient les scientifiques d’aujourd’hui.
Les sciences archéologiques ne se mettent en place qu’au 20e siècle, et il serait désormais inconcevable de déterrer des objets sans tenir compte de leur environnement.

Le contexte qui entoure un objet est au moins aussi important que l’objet lui-même, et l’on voit souvent les égyptologues se passionner pour d’infimes petits détails auxquels les pilleurs des siècles précédents n’avaient pas même prêté attention.

Découvertes fortuites ou intentionnelles

Les découvertes archéologiques résultent de travaux sur des vestiges connus (site déjà identifié) ou apparents (tumulus), parfois sur une étude de textes antiques qui comportent des indications sur l’emplacement de lieux comme la ville de Troie, mais elles sont souvent parfaitement fortuites. On creuse un canal, on découvre Pompéi (1592).

La loi encadre très tôt les trouvailles fortuites, et il devient obligatoire de les déclarer aux services compétents (municipalité, services archéologiques). Notons qu’en France, jusqu’au 7 juillet 2016, les objets découverts fortuitement appartenaient pour moitié à leur « inventeur » (le découvreur), pour moitié au propriétaire du terrain. Dans ces circonstances, les découvertes étaient fréquemment déclarées. Pas toujours, diront certains, mais nous y reviendrons.

pillage archéologiqueAvant tout, la loi interdit la recherche intentionnelle d’objets archéologiques: trouver par hasard est une chose, fouiller sur les plates-bandes des professionnels en est une autre. Interdiction donc à tout un chacun de jouer à l’archéologue de sa propre initiative: on ne peut conduire des recherches qu’avec l’autorisation de la préfecture du lieu concerné (en plus de celle du propriétaire du terrain bien entendu). Une autorisation qui n’est jamais accordée aux amateurs.

L’objet du diable

L’objet du diable, c’est le détecteur de métaux, une invention qui réveille en nous tous les fantasmes de la chasse au trésor, mais dont l’usage est réglementé depuis le 18 décembre 1989.

Détecteur de métauxIl est vrai qu’une personne qui se promène avec un détecteur de métaux peut difficilement prétendre avoir découvert un trésor par hasard. Elle pourra rarement affirmer que sa recherche n’avait aucun but archéologique et que sa découverte, de ce fait, est fortuite.

Le « détectoriste » qui découvre un trésor archéologique se trouve donc soudain devant un problème aigu: soit il déclare sa trouvaille et peut se trouver accusé de conduire des recherches interdites, soit il ne la déclare pas, et les foudres de la justice s’abattent sur lui sans pitié. En 2015, des « chasseurs de trésor » qui avaient découvert 2000 monnaies gauloises en Côte d’Or ont été condamnés à des peines allant jusqu’à trois mois de prison avec sursis et 15000 euros d’amende. Bref, si vous possédez un détecteur, ne rien trouver d’intéressant est peut-être ce qui peut vous arriver de mieux.

Une position intransigeante

Les possesseurs de détecteurs, ou tout simplement les férus de chasse au trésor, aimeraient bien que leur activité soit reconnue, quitte à être encadrée avec la plus stricte rigueur. Ce n’est pas la voie qu’a choisie la législation française.

Nous l’avions déjà indiqué dans cette lettre (n°37, novembre 2016), la loi sur le Patrimoine de 2016 a encore durci le ton, car un objet découvert (évidemment fortuitement) peut désormais être purement et simplement confisqué par l’Etat, au titre de la protection du patrimoine, et ce sans aucune indemnité. Voilà qui n’encouragera pas tous les découvreurs à déclarer leur trouvaille.

Chacun son opinion, et nos amis britanniques ont choisi une autre voie: ils accordent volontiers des autorisations aux amateurs, en fixant bien entendu des limites étroites à leur « hobby »: cadre d’une association, territoire défini, durée limitée, obligation de déclarer immédiatement toute trouvaille, etc. Notons que cette position est assez proche des réglementations imposées pour la plongée sous-marine dans les pays méditerranéens, ce qui se conçoit.

Vous ne verrez en France ni ce panneau
(à gauche), ni ce livre (à droite)

Elle fait que de nombreux amateurs se consacrent joyeusement à la chasse au trésor, ce qui présente quelques avantages: les découvertes se multiplient et, chaque année, les professionnels sont mis sur de nouvelles pistes par des amateurs. Dans l’Essex (une toute petite région du sud-est de l’Angleterre, à peine plus grande que le département du Vaucluse), 738 trouvailles archéologiques ont été signalées en 2017, dont 98% par des « détectoristes »; 132 ont été qualifiées de « trésors » (https://finds.org.uk/).

Une telle loi serait-elle applicable en France? Ceci reviendrait-il à comparer le sens civique qui règne ici et ailleurs? La position de l’Allemagne -où les gens sont dits plus disciplinés- est pourtant proche de celle de la France.

On peut évidemment penser que parmi les fouilleurs britanniques se trouvent de petits cachottiers et que certains objets s’évaporent. Ou que ces cachotteries sont de toutes manières inévitables, sachant que la sévérité de la loi n’a jamais découragé complètement le pillage. Ou que certains chercheurs clandestins, effrayés, ont renoncé à signaler un objet qui pourrait passionner les professionnels, et surtout dont le lieu de la découverte aurait pu conduire à d’autres trouvailles plus passionnantes encore.

Et vous, qu’en pensez-vous?

Passionné d’archéologie?

Vous l’avez bien compris: l’époque des Indiana Jones est révolue, et vous n’avez guère le choix. De nombreux musées proposent, à l’intention des jeunes, des initiations aux techniques de l’archéologie…

Mais en France, la seule façon de pratiquer la fouille archéologique en amateur est de s’inscrire à un chantier de bénévoles. Vous en trouverez la liste sur le site du ministère de la Culture et de la Communication

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