Notre division du temps remonte à l’Egypte ancienne
Les astronomes égyptiens avaient divisé le ciel nocturne en 36 secteurs (décans) dédiés à des divinités et associés au passage de groupes d’étoiles dans le ciel. Mais tous les décans n’étaient pas toujours clairement identifiables toute l’année et, vers 2100 av. J.C., on se contentait déjà de n’en observer que douze au cours de la nuit. Ainsi donc, la nuit était divisée en 12 périodes égales – disons des heures pour simplifier – ce qui satisfaisait aussi la magie du nombre avec une année de 12 mois lunaires (auxquels on ajoutait quelques jours supplémentaires pour se recaler par rapport au calendrier solaire).
Vers 1500 av. J.C., les textes indiquent que la durée du jour, comprise entre le lever et le coucher du soleil, fut également divisée en douze heures. C’est le moment où apparaissent aussi les premiers cadrans solaires, qui permettent de lire concrètement la course du soleil sur une échelle graduée.
Bien sûr, selon ce principe, la durée des heures du jour varie au fil des saisons, de même que celles de la nuit, l’heure diurne n’étant égale à l’heure nocturne que deux fois par an, aux équinoxes.
Cela n’a pas trop d’importance à une latitude où les variations saisonnières sont moins évidentes que chez nous. Ce système s’est propagé au Proche-Orient, puis en Grèce et jusqu’à Rome, et tout était pour le mieux.
Temps solaire et temps physique
Tout cela est bien pratique tant qu’il s’agit de mentionner l’heure d’un rendez-vous par exemple, mais devient infiniment compliqué s’il s’agit de définir une durée, comme le temps de parole accordé aux orateurs.
Car il faut bien distinguer l’heure « moment du jour », de l’heure « intervalle de temps ». A la même époque que le cadran solaire, pour mesurer une durée, les Egyptiens utilisaient des clepsydres constituées d’un simple récipient percé, qui mettait, comme disait Fernand Raynaud, « un certain temps » à se vider. Le sablier utilisa, un peu plus tard, le même principe.
Les Grecs adoptèrent la clepsydre et la perfectionnèrent avec une ingéniosité extraordinaire, afin qu’elle mesure non seulement une durée mais aussi des intervalles de temps successifs égaux entre eux, que marquait un signal sonore… inventant au passage le réveille-matin et le carillon.
Bien sûr, il était tentant de faire coïncider ces intervalles avec les heures solaires du jour, mais comment faire lorsque celles-ci varient en permanence ? Et pourtant, les Grecs y parvinrent aussi. Ctésibios d’Alexandrie, au 3è siècle avant J.C., résolut le problème avec une ingéniosité remarquable (ci-contre son horloge reconstituée au Musée des technologies des Grecs de l’Antiquité).
Pendant des siècles, on vécut ainsi avec des cadrans solaires indiquant des heures de durée variable et des horloges (clepsydres) qui s’efforçaient d’indiquer l’heure solaire. Les horloges héritèrent ainsi d’un cadran de 12 heures, et non de 24 qui eut d’ailleurs été moins lisible, et nous en gardons l’habitude de parler de 6 heures du matin, ou 4 heures de l’après-midi.
Horloges et cadran solaires coexistèrent pendant des siècles, mais l’heure solaire (indiquée par les cadrans) est restée longtemps la référence la plus fiable, jusqu’à ce que la tendance s’inverse. Avec les progrès de l’horlogerie au XVIIIe siècle, on en est venu progressivement à considérer que l’heure donnée par une machine mécanique, avec des jours de 24 heures de même durée, était finalement préférable.
Il devenait clair que toutes les heures de jour comme de nuit et en toutes saisons, devraient avoir la même durée, à savoir 1/24 du total « jour + nuit » (même si on sait aujourd’hui que cette durée varie un peu aussi, il est vrai). Dès lors, au fil des siècles, ce sont les cadrans solaires qui durent se plier à cette évolution. Ils se munirent d’un réseau de lignes pour qu’on puisse d’abord y repérer le milieu du jour (l’heure de midi) en toute saison.
On voit sur de nombreux cadrans cette courbe en forme de 8, dite lemniscate (à gauche). Des réseaux de courbes (à droite) permettaient aussi, selon la saison, de lire sur le cadran la même heure que sur une horloge. Ce qui n’est pas tout simple. L’horloge, pour sa part, indiquait mécaniquement midi à l’heure moyenne où le soleil était au plus haut dans le ciel… C’est-à-dire que l’horloge d’une ville n’indiquait pas la même heure qu’une autre située à l’est ou à l’ouest. A quel moment de l’Histoire a-t-on définitivement abandonné les heures variables pour leur attribuer une durée uniforme ? Eh bien, en fait, elles subsistent encore aujourd’hui : les monastères dont la vie est réglée selon les saisons, utilisent encore les heures canoniales, avec les matines (au milieu de la nuit), les laudes (à l’aurore), les vêpres (le soir) etc., selon des horaires qui varient chaque jour.
Et pourquoi pas une heure décimale ?
Pendant la Révolution, après le calendrier républicain qui tendait à adopter le système décimal, la Première République décréta le temps décimal le 4 frimaire de l’An II (24 novembre 1793): le jour comptait 10 heures au lieu de 24. A midi, il était donc 5 heures, une heure valait 100 minutes, une minute 100 secondes. A-t-on reculé devant la tâche de modifier toutes les horloges existantes, ou ce système était-il finalement moins commode ? Le réforme ne tint que deux ans, et les horloges construites pendant cette période sont des pièces de musée. Fermons la parenthèse et revenons à nos 24 heures quotidiennes !
Une heure unique pour toute la France
En pratique, l’heure de l’horloge est devenue officielle à Paris en 1826, le midi ne tenant plus compte des variations de la position du soleil. Cette heure de Paris s’est propagée en Province au gré du bon vouloir des municipalités, mais chaque village possédait encore parfois son heure locale : après tout, quand il est midi à Paris, il n’est pas vraiment midi en Alsace.
C’est l’avènement des chemins de fer qui a imposé la même heure sur l’ensemble du réseau. Mais quelle heure ? L’heure « du chemin de fer » était curieusement celle de Paris décalée de 5 minutes pour que les passagers parisiens dont la montre retardait un peu, puissent malgré tout arriver à temps !
En 1880, les villages de France utilisent encore tantôt l’heure de Paris, tantôt l’heure du chemin de fer, tantôt leur heure locale. C’est en 1891 que l’heure de Paris devient la seule référence légale.
Et la France se conforme au temps universel
L’heure de Paris n’est pas celle de Greenwich :
Paris est à 2°20′ de longitude est, ce qui donne un écart de 9 minutes 21 secondes. Quand, en 1884, la Conférence internationale de Washington décide d’imposer comme référence internationale l’heure de Greenwich (heure GMT), la France traîne les pieds. Elle ne l’adopte que le 9 mars 1911, et encore, sans citer Greenwich, en décrétant que l’heure officielle est désormais « celle de Paris moins 9 minutes et 20 secondes ».
Peu importe, nous voici désormais à l’heure internationale, et bien calés dans notre fuseau horaire. Reste le passage épisodique à l’heure d’été, pratiqué de 1916 à 1947, et à présent de nouveau depuis 1976…
Et les secondes dans tout cela ?
Les Chaldéens utilisaient un système de numération à base 60, et non le système décimal que nous pratiquons aujourd’hui. Ceci était assez pratique pour répartir des quantités de produits entre plusieurs personnes, ou par exemple un cercle en plusieurs arcs, puisque 60 se divise aisément par 2, par 3, par 4, par 5 et par 6… ce qui est bien plus difficile avec notre système décimal.
Leur jour se divisait donc en 60 parties, mais vers le 7e siècle av. J.C., ils adoptèrent les 24 heures du jour égyptien, en y ajoutant toutefois leurs subdivisions. Nous en avons hérité l’heure qui se divise 60 minutes et 60 secondes. De même, l’angle du triangle équilatéral (facile à reproduire) se divise en 60 degrés de 60 minutes et 60 secondes. Bien sûr, il était quasi impossible à l’époque de mesurer une durée qui s’exprime en secondes, mais cette unité étant assez proche du rythme du cœur humain, elle portait une certaine signification physique.
Depuis 1967, la seconde n’est plus définie comme 1/3 600ème de l’heure. Elle est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux hyperfins F=3 et F=4 de l’état fondamental 6S½ de l’atome de césium 133 (comprenne qui peut). L’heure, inversement, est définie comme 3 600 fois la seconde.